MOD-US : Raconter vs Simuler, la différence et les enjeux

Je me rends compte, à l’usage, que le système générique MOD-US, qui a vocation à être un moteur d’arbitrage de narration, est parfois compris et utilisé comme un moteur de simulation. Le plus souvent, ce sont des joueurs habitués aux systèmes les plus répandus (ceux de simulation) qui sont dans ce cas. Il faut dire que même si ce n’est pas sa finalité, le système fonctionne avec la plupart des usages en simulation. Il rencontre toutefois ses limites et perd son côté universel si l’on cherche à justifier sa mécanique en regard du réalisme de la simulation. Pour avoir mené moult discussions sur le sujet, il m’apparaît de façon évidente que la plupart des incompréhensions et erreurs d’interprétation trouvent leur source en ce point particulier.

Alors, précisons les choses. Je n’interdis pas l’utilisation de MOD-US en moteur de simulation (car vous en faites bien ce que vous voulez dans le cadre de sa licence), mais je ne veux pas qu’on lui reproche d’être bancal ou inadapté dans ce cadre. MOD-US n’est PAS un système de simulation, il est donc nécessairement bancal et inadapté pour cet usage.

À propos de cette différence

Dans un système de simulation, lorsqu’un personnage use d’une arme à feu sur une cible en mouvement, le système détermine si celui-ci, compte tenu de sa compétence, de son équipement, de son habileté et du contexte, va réussir à toucher sa cible. Ce que deviendra le projectile en cas d’échec peut être décidé par le meneur de jeu ou est partiellement ou complètement couvert par le système qui, encore une fois, s’efforce d’élaborer les possibles d’un projectile d’arme à feu dans la simulation du monde imaginaire du personnage. Dans un système d’arbitrage de narration, le joueur du personnage raconte que le personnage touche sa cible, le meneur de jeu raconte que le personnage ne touche pas sa cible mais que la balle perdue détruit la devanture de verre d’un café provoquant la panique et le système détermine qui du joueur ou du meneur de jeu a raison.

Dans le fond, d’un point de vue narratif, les deux exemples sont comparables. Au bout du compte, le MJ du premier cas, selon la réussite ou l’échec du personnage, sera amené à énoncer la première ou la seconde proposition narrative du second cas. On peut donc dire, dans le premier cas, que le dé décide aussi de ce qui sera raconté. La comparaison s’arrête là.

Différence entre action résolue et permission de raconter

Le système de simulation met en place des éléments qui déterminent la compétence du personnage dans le contexte de son tir sur cible mouvante. On s’intéressera donc aux chances de réussite de l’action à proprement parler. Quels que soient les chiffres qu’on manipule, le jet de dé (ou n’importe quel autre moyen mis en œuvre) intervient pour départager deux résultats possibles (parfois davantage avec la notion de réussite ou d’échec critique) : le personnage réussit l’action ou le personnage échoue dans son action. Les conséquences d’une réussite ou d’un échec sont parfois confiées à des systèmes secondaires, mais restent assujetties à des modèles construits dans le système de jeu pour préserver la cohérence de l’univers de jeu. Rares sont les systèmes capables de couvrir tous les cas et de décider si, par exemple, un PNJ tiers témoin de l’action ne va pas décider de faire quelque chose et si oui quoi. De tels effets sont plutôt laissés à la discrétion du meneur de jeu qui « interprète » les PNJ dans le contexte.

Le système d’arbitrage de narration donne les moyens de décider si le récit de l’action du personnage fait par le joueur sera celui retenu. Il n’y a donc, a priori, aucun rapport direct entre la capacité du personnage à réussir l’action et le fait qu’on donne au joueur la permission de raconter cette partie du récit. Le choix de développement de MOD-US articule le cœur de cette décision dans la représentation de l’histoire du personnage. Les bribes de vécu et d’expérience qui forment le personnage sont les Modules et ceux-ci se cumulent pour former la mesure de son destin. On aura besoin de savoir si le personnage est compétent ou non dans ce genre d’action, pas pour déterminer combien il a de chance de toucher une cible en mouvement avec son arme à feu mais pour que ce qu’on raconte en cas de réussite ou d’échec ait du sens dans le récit. Quelles que soient les situations, cette mécanique de jeu est entièrement déterministe, puisqu’il n’existe pas de cas de figure non couverts entre « le joueur raconte » ou « le MJ raconte« . Toute contestation sur la nature de ce qu’on raconte n’est pas régi par les règles mais par le bon sens et la concertation.

Ne pas « compter » la compétence mais la « raconter »

Dans MOD-US, le joueur et le MJ savent ce que vaut un personnage en terme de capacités et de moyens. C’est même une condition essentielle pour déterminer si, lors d’une proposition, on doit ou non faire appel au système pour arbitrer la narration, étant étendu que ce qui ne laisse aucun doute dans le récit se produit sans qu’aucun arbitrage ne soit nécessaire. Un personnage dont l’histoire raconte qu’il est doué avec les armes à feu peut voir le récit de son action en parler. La proposition du joueur peut donc être « doué comme il est, Hans n’a aucun mal à atteindre le fuyard à l’aide de son flingue« . Le système n’est pas là pour remettre en question les compétences et les moyens de Hans. Ceci appartient au domaine narratif sur lequel joueurs et MJ se mettent d’accord au fur et à mesure que le récit avance. Le système est là pour décider si la proposition du joueur de Hans est celle qui sera retenue.

S’il est évident que Hans est un bon tireur mais que le système ne donne pas l’aval au récit du joueur, la contre-proposition du MJ doit expliquer pourquoi un bon tireur comme Hans n’atteint pas sa cible et provoque, éventuellement, une péripétie. Ils sont en pleine rue et un jogger bouscule Hans accidentellement au moment où il tire ? Ou alors, une voiture passe pile à ce moment-là, la balle se fiche dans la carrosserie et le conducteur effrayé perd le contrôle de son véhicule, l’immobilisant dans un lampadaire vingt mètres plus loin ? C’est là la contrainte de ce mode de résolution, le MJ doit avoir quelque chose à raconter de plausible quand le système lui donne la parole. Si certaines choses sont admises dans la diégèse (comme le fait que Hans soit un bon tireur), il est important que ces éléments soient préservés tout au long du récit. On ne remettra pas en question des acquis comme la connaissance ou la compétence, pas plus que le système n’a d’intérêt à les matérialiser comme on le ferait pour un système de simulation.

Retour sur la communication autour de SMS

Les fondations de MOD-US s’appellent SMS et de nombreux articles de mon blog en parlent. Beaucoup de ces informations sont aujourd’hui obsolètes, d’une part parce qu’elle décrivent de façon erronée comment on peut relier la compétence à la définition des Modules, d’autres part parce que les définitions et les pratiques autour du concept de SMS se sont affinées avec le temps. Imaginé comme un système universel, MOD-US a gagné petit à petit cette qualité narrative qui le caractérise. Il est donc universel parce qu’il est un système d’arbitrage de narration et non un système de simulation.

Les plus curieux découvrent pourtant MOD-US sous un angle spécifique, puisqu’il est au cœur de la création du jeu de rôle Les Manuscrits de la Mémoire Morte, en particulier le Kit de Découverte et qu’il a été adapté dans un modèle où l’on parle de métiers, de connaissances et de compétences. Ce ne sont là que des points d’ancrage pour les Modules, une façon simple de constituer une histoire à partir d’acquis concrets du personnage. Il n’est pas encore dit que cela restera aussi cadré dans le jeu définitif, ou alors sous forme d’une option.

Quel qu’en soit l’incarnation, le système MOD-US est un système d’arbitrage de narration. Une définition qui mériterait peut-être une autre terminologie (je cherche encore) ou un autre classification. Peu importe tant que l’on comprend la différence fondamentale avec les systèmes dit de simulation.

Pour en savoir plus

Je vous conseille la lecture de la version Alpha 2 de MOD-US (qui devrait passer sous peu en Beta 1, avec peu de modifications sinon des clarifications sur les aspects évoqués ici et les derniers retours d’expérience). Le système ne se décrit pas par comparaison avec d’autres (ce que je viens de faire ici), il se décrit par ce qu’il est, ce qui fait sans doute que certaines nuances peuvent échapper aux joueurs aguerris et peu habitués à ce type de système.

Vous pouvez aussi voir ce que donne MOD-US adapté à un univers dans le Kit de Découverte de Les Manuscrits de la Mémoire Morte – Les Trépassés de la Fange. Il s’agit d’une vision édulcorée et simplifiée du système.

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