Les Manuscrits de la Mémoire Morte : Le Néant

Je l’évoquais dans cet article à propos des Substrats et de la Quintessence. Il existe un Substrat dit du Nihilisme. Un courant de pouvoirs, de pensées et d’événements qui conduisent l’Omnivers à sa perte. Si Alméra n’est pas le monde le plus représentatif de ce courant, surtout parce que personne n’est vraiment confronté à ce concept, c’est très différent dans d’autres mondes de l’Omnivers comme Loreval où il est très présent.

Qu’est-ce que le Néant ?

Si l’on peut assez aisément interpréter le néant en tant que concept, il est pratiquement impossible de se représenter le néant en tant qu’entité. Quant au Néant avec une lettre capitale, c’est encore autre chose. Il se trouve que, pour y avoir été confrontés, les habitants de Loreval n’ont eu d’autre choix que de constater l’existence de la non-existence, le qualifiant d’un nom propre tout à fait à propos : le Néant.

Décrire le Néant est comme tenter de faire des figures de skateboard acrobatique sans skateboard et sans rampes. Tenter de décrire l’absence de toute chose, l’absence même de réalité, se heurte à une difficulté concrète qui est l’impossibilité de qualifier de quelque manière que ce soit ce qu’on voit, ressent, perçoit face au Néant. Par ailleurs, quand des personnages peuvent « interagir » avec ce non-réel, le « voir », le « toucher », les sensations et les réactions sont tout à fait perturbantes.

L’approche pragmatique

Le Néant forme une « frontière » avec le monde de Loreval et, pour les autochtones, cela est « noir ». Un noir insondable, dénué de texture, de profondeur. Ce n’est même pas un vide, c’est un non-être, une non-réalité, la fin de toute chose. Les êtres vivants ont la conscience viscérale de ce qu’ils ont devant les yeux, sans pouvoir l’expliquer. Ce qu’on avance vers le Néant y disparaît. Malgré tout, si l’on n’abandonne pas entièrement un objet ou un être, tant qu’une de ses parties subsiste dans le réel ou se rattache à quelque chose de réel, alors on peut extraire cet objet ou cet être du Néant sans qu’aucun dommage ait été subi.

Plus étrange encore est Loreval, cerné par le Néant, y compris son ciel : si jadis ce monde avait un soleil, sa lumière continue à jaillir du Néant comme s’il existait encore. L’on peut être ébloui à regarder dans sa direction, ce même si on ne peut le voir. Le Néant a cette particularité de réduire les dimensions du réel sans en changer la nature, laissant ainsi les intempéries et les fleuves traverser le monde sans en connaître la source ou la destination. Comme si tout ce qui existe se trouvait entre deux œillères et que le monde alentour pouvait ou non être là sans changer les règles de ce qui s’y passe.

Le Néant en Alméra

Cette notion du Néant n’existe pas en Alméra. Personne n’y a jamais officiellement été confronté si toutefois il « existe ». Le Substrat du Nihilisme est pourtant bien présent. Cela tient au fait que le Nihilisme est une idée et que les idées transcendent jusqu’aux réalités. L’on passerait pour un fou à soutenir que 4 courants idéologiques et métaphysiques (les Substrats) sont les fondements de l’Omnivers, pourtant le Nihilisme est bien plus qu’une pensée isolée. Des êtres et des forces s’ingénient à servir et nourrir ce concept. Le fait qu’il n’y ait aucun consensus avéré sur l’application d’une idéologie n’empêche pas la dite idéologie d’avoir sa place tant dans les esprits que dans l’univers. C’est un peu comme si, dans notre monde, le bien ou le mal étaient immanent au lieu de n’être que des constats moraux (à moins de lui accorder un sens purement religieux). Dans l’Omnivers et en Alméra, les Substrats sont immanents. Philosophiquement parlant, si l’idée de Nihilisme n’existait pas, il est probable que le Néant n’existerait pas.

Ce genre de propos est faux dans son expression, puisque le Néant n’a pas « d’existence » au sens ou on l’entend. Le Néant n’est pas quelque chose. Même s’il reste sur un plan purement intellectuel en Alméra, l’idée du non-réel est indissociable du réel. Parce que l’on peut concevoir ce qui existe, on peut concevoir que ce qui existe ait une fin. Que cette fin soit purement abstraite ou ait une représentation concrète n’a aucune espèce d’importance. L’idée du non-être est présente en Alméra même si le non-être n’y apparaît pas de façon évidente.

Le pouvoir du Néant

Il a été écrit, ici ou là, que le Néant était associé à une source de pouvoir. Concrètement, il n’existe aucun « Pouvoir du Néant » utilisable où que ce soit en Alméra. Ceci ne veut pas dire qu’il n’en existe aucun ailleurs dans l’Omnivers, mais comme ça ne concerne pas Alméra, la question ne se pose pas. Les philosophes d’Alméra, qui ont la compréhension de ce que sont les Substrats et la Quintessence, devinent qu’un pouvoir du Néant est aussi nécessaire que les autres formes de pouvoir pour équilibrer le monde. Un raisonnement qui se défend mais qui pourrait tout aussi bien être démonté, surtout par le fait que les sources de pouvoirs magiques connues ne sont pas nécessairement une expression directe d’un Substrat mais un constat a posteriori.

Le problème du Néant

Le problème posé par le Néant est qu’il est inconcevable en dehors de l’absolu. C’est la plus pure expression de l’agnosticisme qui réfute toute idée de pouvoir comprendre le divin étant donné qu’il est au-delà de notre capacité intellectuelle. Cette phrase pourrait avoir été prononcée par Nietzsche, mais dans les faits, ce qui est au-delà du réel nous est naturellement inconcevable. Le postulat Vulcain qui affirme que « rien de non-réel n’existe » n’est vrai que dans un univers limité par sa propre existence. Or, le Néant se pose à la fois comme extérieur à la réalité et exprimable ou concevable dans la réalité.

Il s’avère que le vocabulaire employé se contredit lui-même. On ne peut pas dire que le Néant « existe ». Il affecte le réel sans être réel. Toutes les terminologies mises en place pour qualifier et cerner de définitions l’immatériel et le métaphysique se heurtent à la frontière définie par le Néant, phénomène observable incompréhensible par essence, et pourtant force inspiratrice pour des mortels qui n’ont aucune idée de sa nature (et n’en auront jamais aucune).

Que conclure ?

Cet article, constitué d’un fatras d’idées tordues et parfois même indéfendables, est difficile à conclure. Il met en exergue le fait que le Substrat du Nihilisme, véritable courant de pensée et d’évolution de l’Omnivers, s’appuie sur une représentation à la fois concrète et non-réelle indéfinissable que d’aucuns appellent le Néant. La véracité du Néant, discutable pour les Almérains, l’est moins pour d’autres peuplades étrangères à ce monde dont Alméra ignore l’existence. Pourtant, cette essence, ce pouvoir du non-être, est intrinsèquement lié à toutes formes et toutes choses. A vrai dire, on pourrait disserter tout autant sur les autres Substrats de la Quintessence, mais le Nihilisme y tient un place à part du fait de son étrangeté contre-nature.

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