Système de résolution, pas de dé pour le MJ : une gageure ? (1/2)

Ce n’est pas pour suivre la mode d’un Numénéra et quelques autres prédécesseurs, mais il se trouve que la conception de SMS (Système Modulaire de Storytelling) repose sur le postulat que le Meneur de Jeu ne lance aucun dé. A la base, ce qui peut apparaître comme une lubie découle de plusieurs remarques que je me suis faites :

  1. en tant que MJ, je favorise l’intérêt du récit et l’amusement, donc, je triche sur les dés dans les jeux de rôles que je pratique ce qui invalide le hasard pur.
  2. en tant que MJ, je perds du temps à lancer et interpréter un dé ou plusieurs dés selon les jeux.
  3. en tant que MJ, je suis contre un corpus de règle imposant et une trop grande complexité dans la gestion des PNJs.
  4. en tant que joueur, rien ne m’exaspère plus que le MJ perdu dans ses tirages et ses règles derrière son écran cassant, régulièrement et sans forcément le faire exprès, le rythme de la narration.
  5. en tant que joueur et MJ, j’ai fortement apprécié le jeu de rôle Ambre.
  6. je suis paresseux.

Ce dernier point pourrait faire office de seule et unique raison pour laquelle je veux épargner aux MJs de mon système de lancer des dés. D’un point de vue théorique, rien n’empêche un MJ de SMS de lancer des dés et donc de gérer ses PNJs comme les joueurs gèrent leurs personnages (car c’est ce qui se passe quand des PJs s’affrontent), si ce n’est que le fondement du système ne s’y prête pas.

Toutes les raisons invoquées ont du sens et celle qui a le plus de poids dans ma décision de faire un système qui retire les dés au MJ est une question de rythme, sachant que, dans le fond, cette façon de faire ne donne pas moins de travail. Après avoir passé beaucoup de temps, dans de nombreuses parties, avec de nombreux systèmes, à rager sur la lenteur des systèmes de résolution (mon pire exemple étant celui d’un combat de 10 rounds à Rolemaster qui a requis 5h de jeu… Autant dire qu’on s’est fait ch…), la conception de SMS répond à mon besoin viscéral d’accélérer la narration des séquences résolues par le système. Sans atteindre la vitesse et la simplicité (apparente) d’une maîtrise à la « Ambre« , j’avais besoin de marier le meilleur du narrativisme, avec suffisamment de simulationnisme pour me plaire et conserver une excellente réactivité.

Conclusion : Sans dés, MJ tu seras.

Mais en quoi cette décision accélère véritablement le système ?

Le fait que le MJ ne lance pas de dés implique que son rôle principal, outre conter le récit et décrire le contexte (ce qui devient réellement son activité principale), consiste à uniquement édicter des difficultés pour chaque action requérant un arbitrage par le système. Il en découle que la définition d’un PNJ ne repose pas sur des statistiques au sens conventionnel du terme, mais sur un ensemble de difficultés. Elle peuvent bien sûr être évaluées de façon objective, mais aussi de façon subjective ou dépendant du contexte. Cette façon de faire libère le MJ de pratiquement toutes les contrainte du système, puisque là seule qui lui reste est une échelle de difficulté relativement simple à manier.

Bien entendu, une telle démarche ne se met pas en place sans inconvénients. Le premier concerne la difficulté à appliquer le principe en général. Quelle que soit la situation, comme c’est le Joueur qui tire le dé, il le fait aussi bien lorsqu’il tente une action pour savoir si son personnage affecte un PNJ ou l’environnement comme il le souhaite, qu’à l’inverse, pour savoir si son personnage évite d’être affecté par un PNJ ou l’environnement. Cela survenant assez souvent dans d’autre système, ce n’est pas tant le joueur qui va être troublé que le MJ qui, lui, ne va à aucun moment déterminer d’une autre manière que par le background ce qui va se produire et quelle difficulté cela implique. Cela sort singulièrement de ce que les systèmes plus répandus produisent. Une période d’adaptation sera donc nécessaire. Mais c’est aussi le cas quand on maîtrise la première fois du Ambre et que, régulièrement, l’on cherche son dé pour décider d’un truc.

Le plus significatif des inconvénients après celui-là concerne surtout les joueurs qui doivent admettre que malgré les apparences, les décisions du MJ ne sont pas arbitraires. Parce que malgré ce qu’on peut penser, il n’y a pas de hasard dans l’univers de jeu. Tout ce qui arrivera aux PJs, s’ils ne l’ont pas directement ou indirectement provoqué, n’est pas assujetti au hasard. Libre au MJ de construire un univers détaillé dans lequel toutes les interactions et évolutions sont pensées de façon cohérente, ou de s’en remettre au principe le plus simple d’action/réaction.

Hors ces deux principales difficultés d’adaptation, la mécanique est extrêmement fluide. Lorsque le MJ pose une situation, il détermine la difficulté et demande au(x) joueur(s) concerné(s) leur(s) score(s) d’action tout en nommant les modules mis en jeu dans le contexte de la dite situation. Puis le dé est lancé. Oui, mais quel dé ? Hé bien, si vous avez lu mes précédents articles sur la question et que vous êtes observateur, vous aurez remarqué cette échelle de difficulté :

  • 0 : action évidente
  • 2 : action facile
  • 4 : action moyenne
  • 6 : action difficile
  • 8 : action très difficile
  • 10 : action particulièrement difficile
  • 12 : action quasi-impossible

Or, il se trouve que ces scores de difficultés ne sont pas innocents. Ils correspondent à des dés ! Là vous me dites, le D0, ça n’existe pas. C’est vrai, mais avec une telle difficulté, on ne lance jamais de dé. Quant au D2, s’il n’existe pas en tant que tel, ils peut être simulé par n’importe quel autre dé. Enfin, D4, D6, D8, D10 et D12 sont des dés classiques faisant partie de la panoplie du rôliste. Vous l’aurez compris, le MJ donne la difficulté sous forme d’un dé et la résolution est des plus simples et conventionnelles : le joueur lance le dé et doit faire égal ou moins que son score d’action pour réussir.

Dans le second article de cette série, je vais détailler un peu plus la mécanique de résolution sur la base d’exemples concrets.

3 réflexions sur “Système de résolution, pas de dé pour le MJ : une gageure ? (1/2)

  • 06/04/2016 à 8:18
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    Je suis assez d’accord avec toi!
    En plus à quoi bon jeter un dès si c’est pour tricher et mentir sur les résultats pour coller mieux à l’intrigue ou l’ambiance!
    En général je jette des dès surtout pour voir si un événement aléatoire que j’ai pensé (ou que j’improvise) à lieu maintenant ou pas.

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    • 06/04/2016 à 8:26
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      Merci pour ton commentaire. Pour préciser ma pensée, la notion de « tricherie » n’existe pas vraiment dans mon esprit. Le simple fait d’utiliser des dés pour décider de ce qui se passe derrière le paravent est selon moi (et en tout cas pour moi) un aveux de faiblesse. Certes, les systèmes de jeux classiques invitent à respecter les mêmes règles pour les PNJs et les PJs ne serait-ce que pour alimenter le risque, et lorsque le combat en vaut la peine, il est intéressant de s’appuyer sur la simulation à 100%. En revanche, je ne parie pas un denier sur le hasard quand il est question d’une rencontre banale et/ou improvisées qui n’a même que peu d’intérêt dans l’esprit des joueurs. Le contexte dicte l’enjeu et la force de l’enjeu dicte le respect des règles. C’est du moins de cette façon que je maîtrise dans les systèmes dit « classique ». J’ai créé SMS sur la base d’une approche différente dans laquelle il n’y a aucune limite aux actions que l’on peut entreprendre et où l’enjeu ne se mesure qu’à l’aune des risques pris.

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      • 06/04/2016 à 8:32
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        De rien, ton système a l’air interessant!
        En effet c’est un aveu de faiblesse pour ce qui est des actions.
        Seuls points forts comme tu dis le risque des combats majeures.
        Je fais pareils que toi je jette très peu de dès sinon hormis pour gérer les aléas prévu ou non qui pourraient ajouter du piment à la scène en cours (comme dans les trajets par exemple)

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